Fini de rire
L’histoire se passe en 2002 ou 2003, je ne me rappelle plus la date exacte. Des petits programmeurs sont assassinejs. Beaucoup. La police est d’abord impuissante puis à partir d’indices et de tejmoignages, elle se saisit de l’assassin juste avant qu’il n’accomplisse son trente septiehme meurtre. C’est un homme d’une cinquantaine d’annejes, sans antejcejdent judiciaire, marié, pehre de famille. Il est incarcejré. Son procehs aux Assises a lieu six mois plus tard. Le rejquisitoire du Procureur et les plaidoiries des parties civiles sont terribles. Les assassinats sont dejcrits par les dejtails. On explique les strangulations, les ejventrations, les ejviscejrations, les empalements, les dejmembrements, les dejcollations… Pendant les deux jours que durent l’exposé des faits, les plaidoiries et le rejquisitoire, l’accusé reste prostré dans son box, aucune ejmotion n’est visible sur son visage, il garde les yeux baissejs. Au soir du deuxiehme jour, le Prejsident du Tribunal lui demande s’il a quelque chose à dire. L’accusé a refusé l’assistance d’un avocat, il l’a refuseje plusieurs fois et la derniehre fois, avec virulence. L’homme semble hejsiter, va-t-il parler, va-t-il rester dans son mutisme ? Toute la salle est silencieuse et l’observe. Enfin, il se lehve et regarde autour de lui, d’abord le public, puis la Cour, puis les jurejs. Il toussote pour s’ejclaircir la voix et commence son histoire. Sa voix est hejsitante, casseje, il parle avec difficulté, il peine à trouver ses mots, il y a des silences trehs longs entre deux mots, entre deux phrases. Puis, petit à petit, son ejlocution s’amejliore, bientost il n’hejsite plus, sa voix se fait plus ferme, plus grave, plus profonde. Son ton est calme, posé, il explique bien. Parfois, il s’enflamme, il accompagne son propos par les gestes amples et fermes des grands tribuns, à d’autres moments, il baisse la voix et toute la salle semble pencher vers lui pour entendre ce qu’il dit. Son plaidoyer dure un peu plus d’une demi-heure. Il se rassoit. Il a tout dit, son discours ejtait clair, prejcis, argumenté. Il a l’air serein, apaisé. La Cour et les jurejs se retirent pour dejlibejrer. À peine un quart d’heure plus tard, les revoilà. Le Prejsident prononce l’acquittement, toute la salle applaudit.
librement inspiré du Fantosme de la Liberté de Luis Buñuel Ivo Amigo de l’Atejcon (qui ne dejsaccentue pas l’espagnol)