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Fini de rire

25 July 2013

La malédiction de John Lewis

Quand je pense à John Lewis, c’est aux quelques notes de piano qui répondent à l’appel de Parker en ouverture de Parker’s mood, 1948. Il est y est comme toujours ampoulé et raisonnable, le Modern Jazz Quartet qui lui assurerait une éternelle postérité de seconde zone n’existait pas encore.

Je pense aussi à cette citation que je crois avoir lu dans “Monk” de Laurent de Wilde : “je peux jouer tout ce que Monk peut jouer”, mais je me trompe peut-être, j’ai le livre sous les yeux et je ne retrouve pas l’anecdote. Quelle prétention ! pensons-nous, mais Lewis a effectivement remplacé Monk dans l’orchestre de Dizzy Gillespie en 47. Monk le maudit, Monk le génie contre Lewis le savant, Lewis le raisonnable. Aucune chance vu d’aujourd’hui, le match est plié d’avance, la mémoire collective a choisi.

Les géants laissent peu de place aux autres sur les photos de famille. Je viens de tomber sur la phrase suivante : “Johnny pouvait à peine jouer, mais ses quelques notes valaient toutes les improvisations d’un John Lewis”. Johnny, c’est Johnny Carter le drogué, alias le génial Charlie Parker dans cette nouvelle de Cortazar. John Lewis, c’est John Lewis, pas besoin de pseudo pour les seconds rôles.

“L’homme à l’affût” qui contient cette phrase date de 1959 – la mémoire et un demi siècle d’hagiographies n’ont donc pas trahi le sentiment de l’époque : mort aux bons élèves ! Si l’histoire les retient, c’est avant tout comme faire-valoir.

John Lewis